Editorial
Ethnographie et Missionnaires à Fribourg
La vie et l’œuvre du Père Antoine-Marie Gachet, capucin, représentent la partie émergée de l’iceberg, pour reprendre un cliché, approprié dans ce cas, puisque c’est dans l’actuel Wisconsin en Amérique du Nord que ce Fribourgeois, Gruérien d’origine, passa cinq ans comme missionnaire auprès des Indiens Ménominies. Le contexte historique, aussi bien ecclésiastique, social que politique de la catholique Fribourg du milieu du XIXe siècle nous permet de mieux comprendre le monde dans lequel œuvra le P. Gachet.
En restaurant son Journal, illustré de merveilleux dessins, on ne pouvait ignorer la modeste mais prestigieuse collection ethnographique qu’il a constituée et qui, grâce à un album qui la répertorie, est rendue maintenant au public. Quelques aspects particuliers du séjour du Père Gachet sont également approfondis dans ce volume, à la lumière des réflexions de son Journal et du contexte historique et missionnaire de cette partie de l’Amérique du Nord.
Mentionner cette collection nous incite à mentionner également les autres collections ethnographiques fribourgeoises oubliées, confiées au Père Wilhelm Schmidt (1868-1954), le premier ethnologue à enseigner à l’Université de Fribourg. Ancien directeur du Musée missionnaire ethnologique du Vatican, le P. Schmidt se voit offrir en 1942 une Chaire à l’Université, à la demande du pape Pie XI qui avait recueilli Schmidt à Rome, mis aux arrêts domiciliaires en 1939 par la Gestapo à Mödling, près de Vienne où il repose. Ce sont Mgr Besson, évêque du Diocèse, et Joseph Piller, directeur de l’Instruction publique, qui furent ses parrains.
On ne dira pas que ces collections, héritées directement ou indirectement de divers voyageurs, missionnaires, professeurs à la Chaire d’ethnologie, collectionneurs et do- nateurs, passionnèrent les milieux culturels fribourgeois, sauf à savoir quoi faire de ces objets encombrants, renvoyés d’un dépôt à l’autre au cours des années avant d’être finalement recueillis par le P. Schmidt. Et ce manque d’intérêt continue, puisque, confiées depuis 2014 à l’Association ProEthnographica, les collections devraient maintenant quitter, sans autre domicile en vue, les anciennes prisons du château de Bulle. Celles-ci avaient été gracieusement mises à sa disposition, après que Pro Ethnographica eût libéré les caves de l’Université à Miséricorde de ces objets décidément encombrants.
Adrian Holderegger et François Ruegg