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Massacre à la tronçonneuse

Jadis maison de campagne du Patriciat fribourgeois liée à une exploitation agricole, le manoir Kaemmerling à Montévraz-dessus est l’une des plus remarquables demeures du canton de Fribourg, avec ses façades, l’une en maçonnerie, l’autre en bois autrefois peint, protégées chacune par un avant-toit en berceau lambrissé, qui sont parmi les plus anciens «bôgos» du canton. En 2023, plutôt que de réparer l’avant-toit nord-ouest, on a préféré le scier à la tronçonneuse tout en bâchant le pignon ainsi défiguré. Curieuse façon d’entretenir un bien culturel protégé! Ainsi, la façade et ses encadrements de fenêtres moulurés, en molasse, ne sont plus protégés et leur dégradation s’accélère, faute d’entretien minimal. La situation est d’autant plus embarrassante que les pouvoirs politiques et administratifs se renvoient leurs responsabilités.

Le domaine de Montévraz-dessus est un cas particulier inscrit à l’ISOS (Inventaire fédéral des sites à protéger en Suisse), digne de bénéficier d’une protection absolue. Il se compose de deux manoirs, d’une chapelle récemment restaurée, d’un four à pain et d’une croix de chemin. Remontant à 1580, la chapelle de pèlerinage est le bâtiment le plus ancien attesté sur le domaine. Le premier manoir, jadis aussi propriété des Kaemmerling, a été quant à lui construit en 1641 et se trouve en parfait état. Le four à pain, qui date de cette période, n'est plus entretenu depuis des années et prend l’eau, faute de réparations minimales à sa couverture. Là également, l’obligation légale d’entretien d’un bien culturel protégé n’est pas respectée. 

Le manoir dont il est question se situe à la route des Pierrettes 94 et est protégé en catégorie maximale par le plan d’aménagement local en tant que bien culturel d’importance cantonale (catégorie 1). Il figure également dans l’Inventaire PBC, dressé par la Confédération, comme édifice d’importance régionale.  Construit en 1673, il est connu pour sa «chambre peinte» autrefois exposée au Musée gruérien. Il conserve encore aujourd’hui son aspect d’origine, la disposition intérieure des pièces et ses deux pignons différenciés  témoignant du partage de la bâtisse entre l’habitation du propriétaire et celle de son fermier, disposition unique dans le canton. La façade en pierre est de tradition gothique tardive avec ses groupements de fenêtres moulurées. On y trouve l’entrée principale du manoir, composée de deux pilastres portant un fronton arqué, sculpté en bas-relief, aux armes Kaemmerling et Python, datée de 1673. Cette façade se trouve exposée à toutes les intempéries, suite à l’amputation sauvage de son avant-toit. Un méfait qui s’ajoute au mauvais état de l’imposante toiture et de la bâtisse en général dont la déliquescence ne peut plus être attribuée uniquement à de la négligence, mais relève désormais du sabotage.