Le canton renonce à la qualité pour Bluefactory

Le développement de Bluefactory à Fribourg est en mauvaise voie. La Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions (DAEC) a rejeté notre opposition et approuvé le Plan l'affectation cantonal (PAC) du futur quartier. Auparavant et malgré des négociations intenses, le Conseil d'administration de Bluefactory avait refusé de signer une convention avec Pro Fribourg. Cette dernière aurait permis de lever l'opposition, de pouvoir démarrer très vite le projet du Smart Living Lab, moyennant quelques concessions imposant des règles liées à la qualité du développement urbain dans cette zone en laissant la possibilité d'adapter les règles pour le reste du site.

Situé sur une parcelle de 60'000 m² en pleine ville de Fribourg, le projet Bluefactory offre l'opportunité unique à nos autorités de créer un nouveau quartier, un véritable morceau de ville. A titre de comparaison, le quartier projeté est plus grand que la vieille ville de Morat (50'000 m2) ou que les immeubles en damier du début de Pérolles, entre la route des Arsenaux, le jardin du Domino et le Boulevard de Pérolles, donc la moitié du quartier de Pérolles.

La révision du plan d'aménagement local (PAL) de Fribourg vivant un aboutissement plus que difficile (début des travaux en 2004 et première version en 2014 rejetée par le canton), le canton a décidé de prendre en main la zone de Bluefactory. En novembre 2017, il a donc mis à l'enquête un Plan d'affectation cantonal (PAC) pour cette zone afin de planifier son développement, son affectation et son aménagement.

Manque de clarté

Ce document définit des aires d'intervention sur le site, les affectations, et la mise en valeur des bâtiments existants, mais dans ses règles d'intervention, il reste extrêmement vague, ce qui ne peut assurer aucune qualité au futur quartier. Le PAC manque de précision, il ne peut résoudre les défis urbanistiques majeurs au risque de rater l'ensemble, c'est la raison pour laquelle Pro Fribourg a déposé une opposition en janvier. Cette démarche n'avait pas pour objectif de bloquer le projet, mais bien de poser un cadre qui permette d'arriver à une forme urbaine de qualité. Pro Fribourg ne conteste aucun aspect quantitatif, mais exige une précision des espaces, des pleins et des vides et des transitions harmonieuses avec le contexte construit alentour ainsi qu'un respect de l'échelle des bâtiments protégés sur place.

A la requête de Pro Fribourg, une première rencontre a été organisée afin de présenter les résultats de notre analyse. Ce premier contact à débouché sur plusieurs séances de travail qui se sont déroulées entre les représentants de Bluefactory, de la ville, du canton et de Pro Fribourg. Sur la base de ces échanges, Bluefactory a rédigé une convention, annotée par Pro Fribourg. Une forme d'accord qui aurait permis de lever notre opposition et de lancer enfin le projet pour le Smart living lab de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Mais qui aurait permis d'adapter encore le cadre que l'on estime trop flou pour le reste du quartier par la suite.

Les pistes de Pro Fribourg

Pro Fribourg a fait des propositions concrètes afin d'améliorer le PAC. A commencer par la réduction des gabarits à quelque 25 m au maximum - toujours en respectant strictement les quantités que le Canton a prévu. Nous estimons que de protéger le silo et la cheminée n'a un sens que si ces bâtiments restent les éléments déterminants: la hauteur des bâtiments à venir ne devrait pas excéder celle de ces deux emblèmes historiques. Le PAC permet dans un grand périmètre la construction de bâtiments allant jusqu'à 88 mètres de hauteur* (plus haut que la cathédrale! le silo sur place mesure 44 m, donc la moitié!), qui influenceront de manière négative l’harmonie du site et les rapports avec le contexte urbain. La densification, que Pro Fribourg ne met pas en cause, ne justifie pas de telles hauteurs. En effet, comment peut-on imaginer vouloir préserver et valoriser le fameux silo mesurant 40 mètres de hauteur en prévoyant des barres administratives pouvant aller au-delà de 80 mètres de haut?

Pro Fribourg déplore le manque de règles posées par ce PAC qui ne définit ni la forme urbaine ni la qualité et les proportions de l'espace public, c'est une sorte de carte blanche aux constructeurs. Par ailleurs, la profondeur prévue des secteurs constructibles est inappropriée pour une structure urbaine destinée à durer et à évoluer dans ses affectations. Nous proposons également d'améliorer la visibilité de l'entrée du site et de penser à un concept de rez-de-chaussée ouverts sur l'espace public de manière à favoriser les interactions. Pro Fribourg a travaillé sur une version idéale de PAC (voir sous la rubrique médias / communiqué).

Pas assez de logements

Autre aspect que Pro Fribourg critique: la clause liée au contrat de vente du site Cardinal par Feldschlösschen qui exige que Bluefactory ne prévoie pas plus de 14 % de logements. Si ce quota est dépassé, il faudra verser des indemnités à Feldschlösschen. Pro Fribourg est d'avis que 14 % de logements ne permet pas de développer un quartier avec une vie urbaine (et un réalisme économique!) et demande que l'on tienne compte du fait que cette « clause 14 % » soit abandonnée (en renégociant les conséquences avec le vendeur d'origine).

Projeter des structures pouvant évoluer dans le temps permettrait d'assurer l'évolution du quartier. La durabilité est une condition essentielle de l'aspect historique et écologique. Un découpage inapproprié va créer des contraintes pouvant mettre en cause la faisabilité et la rentabilité. Sans enlever aucun potentiel aux promoteurs de Bluefactory, on doit appliquer des stratégies pour assurer un résultat qualifié pour l'avenir.

Et le zéro carbone annoncé?

Pro Fribourg demande en outre que les carrefours pour accéder à Bluefactory soient aménagés comme des espaces publics et non pas comme de simples présélections. Par la même occasion, il serait indispensable d'améliorer le concept de mobilité douce en lien avec les alentours. De même, nous n'avons pas encore vu le moindre indice de la concrétisation du concept « zéro carbone » évoqué si souvent.

Pro Fribourg souhaite l'application claire de la législation sur les marchés publics: l'élaboration de tout projet sur ce site doit respecter cette législation en prévoyant des concours d'architecture selon la procédure ouverte.

Éviter tout « bricolage » !

Enfin, Pro Fribourg demandait simplement, dans cette convention, une coordination entre ce PAC, le PAL et la gestion de la circulation. Cette vision globale essentielle pour éviter tout « bricolage », semble avoir trop peu été prise en compte par nos autorités, ce qui est gravement dommageable. L'attitude selon laquelle pratiquement "tout est possible partout", ne donnera pas un résultat de la qualité analogue à celle des origines (Vieille ville, Pérolles, quartier d'Alt). Le manque de stratégie va, par ailleurs, inciter à valoriser d'abord les aspects du terrains faciles à traiter, pour laisser en friche les parties difficiles, qui sont justement les interfaces en lien avec les quartiers existants au sud et à l'ouest, ou le terrain est formé de talus importants d'une hauteur allant jusqu'à 13 m (soit un bâtiment de 4 étages). Pro Fribourg regrette le manque de vision globale.

Pro Fribourg ne recourt pas contre la décision de la DAEC

Nous regrettons profondément le refus de signer la convention (qui était d'ailleurs une proposition de Bluefactory) par le Conseil d'administration de Bluefactory, le rejet de notre opposition par le Conseil d’État et l'adoption du PAC. Nous renonçons toutefois à faire recours contre cette décision. Les procédures se limitant à des questions de forme et non de contenu, nos demandes ne seraient que difficilement introduites. Nous ne voulons pas retarder une planification qui est menée par les responsables de manière bien pénible. En effet, après le concours d'urbanisme raté de 2013, l'abandon du projet de réaménagement de la halle grise, les frais engendrés pour le maintien de la cheminée (non utilisée, le fait qu'elle se détériore était prévisible), les changements fréquents à la tête de Bluefactory qui dénotent un malaise, notre décision vise à ne pas freiner davantage ce projet dont le décollage tarde depuis plusieurs années.

Nous avons agi de manière désintéressée, dans l'intérêt général, uniquement pour voir se réaliser prochainement un quartier dont les Fribourgeois pourraient être fiers. Pour l'instant, classée en Zone d'activités I, la parcelle reste inconstructible et doit être légalisée en zone à bâtir au plus vite. La convention entre l’État de Fribourg et l'EPFL pour l’établissement d'une antenne de l'EPFL à Fribourg, signée le 11 mars 2014, engage le canton à hauteur de 26,2 mios pour la première période de 5 ans (phase initiale) et la mise à disposition d'un bâtiment expérimental dans ce même délai (Conseil d’État, Message 2014-DEE-22). Le crédit de construction de 25 millions a été approuvé par le Grand Conseil le 19 juin 2018. Nous souhaitons vivement que ce projet ne soit pas entravé plus longtemps.

Bien que nous craignons que le site se développe sur les mauvaises bases posées par le PAC, nous espérons toutefois que nos propositions ont été entendues et que les dirigeants de Bluefactory en tiendront compte, pour un développement harmonieux au centre de la cité.